La capitale Sénégalaise privée d’eau
courante depuis le 11 septembre 2013 se retrouve aujourd’hui dans une situation
d’urgence et le niveau d’alerte est au maximum. Ce serait un euphémisme de se
limiter tout simplement à dire que l’ « eau est source de vie »,
ce liquide précieux est bien plus ! Elle est vie tout simplement !
Priver cette ressource à des millions de personnes, c’est tout simplement
catastrophique même si les autorités sont loin d’imaginer les conséquences que
cette pénurie pourrait engendrer.
D'où vient l'eau distribuée par
la SDE
La direction de la SDE m’informe
que le Sénégal est l'un des pays de l'Afrique de l'Ouest qui recèle le plus de
réserve d'eaux souterraines et d'eau de surface.
Une eau souterraine est celle qu’on
retrouve dans les roches ou sous-sol comme au niveaux des nappes peu profondes
entre 0 et 20 mètres en Casamance, 40 à 60 mètres entre Kaolack et Tamba et des
affleurements dans les régions de Dakar et Thiès.
Une eau de surface quant à elle,
est constituée principalement des fleuves nationaux de la Casamance et du Sine
Saloum, des fleuves frontaliers du Sénégal et de la Gambie, des lacs intérieurs
de Guiers et Tamna. C’est au niveau de cette catégorie d’eau que se s’approvisionne
la station de Keur Momar Sarr qui est aujourd’hui à l’origine de la grande
pénurie. Donc, pour approvisionner Dakar et sa banlieue, la SDE tire des tuyaux
sur plus de 250 km de distance pour offrir à la population dakaroise une eau
souterraine limpide naturellement et qui est plus ou moins minéralisée.
Il est évident qu’une telle
politique d’approvisionnement en eau courante pour la population est assez
coûteuse et pourrait même être associée à une gymnastique technico-hydraulique
alors que le Sénégal est arrosé dans sa côte ouest par l’océan. Le jeune
ingénieur Sénégalais Maram Kairé déclare avoir proposé son projet AQUA en mai
2011 pour la désalinisation de l’eau de mer pour régler définitivement ce souci
d’approvisionnement de l’eau au Sénégal. Maram a relancer l’alerte via son
compte Facebook et se montre disposé à soutenir et accompagner le gouvernement
dans cet effort de modernisation du système d’approvisionnement en eau potable.
Pour info, les stations de traitement et de distribution de la SONES et depuis
1996 de la SDE sont vieilles de plus d’une trentaine d’années.
Publication sur Facebook de Maram Kaire |
Jusqu’à ce jour, ce projet de
Maram Kairé qui date depuis 12 ans dort encore dans ses tiroirs. Je vous en
livre ici les grandes lignes :
OBJECTIF : implantation de 5
unités de désalinisation le long de la côté Dakar - Saint-Louis
TECHNIQUE : Nouvelle technique de
distillation basée sur une auto-génération en électricité. Il s'agit d'une
formule qui permet de générer de l'électricité avec le débit de l'eau pour
faire fonctionner les turbines de la distillation. Les plans techniques sont
déjà prêts.
L'avantage est de disposer de
centrales autonomes en énergie au démarrage. Elles produisent leur propre
énergie pour faire la désalinisation.
Résultat attendu : amélioration
de la technique de distillation avec de très faibles coûts et production d'une
eau très pure proche de l'eau de source.
RETOMBÉES :
- Production d'eau en grande quantité (en fonction de la taille de l'unité)
- Génération d'électricité pouvant être reversée sur le réseau de la Senelec pour combler le déficit du Sénégal en Énergie
- Production de sel marin pour l'exportation (résidus traités de la distillation)
- mise en place d'une architecture de canalisation de la côte vers l'intérieur du Sénégal pour la revitalisation des vallées fossiles, l'irrigation et donc booster l'agriculture.
Je sais qu’un billet de blog
semble très limité pour faire comprendre à nos autorités que des Sénégalais, fils
de ce pays ont des solutions et l’ont proposé depuis plus d’une dizaine d’année.
Il faudra peut-être que quelqu’un allume un ipad devant le président pour lui
faire lire ces lignes. Derrière, il lui faudra ce petit brin de courage
politique pour prendre des décisions et penser surtout à l’avenir.
Que faut-il savoir sur la gestion
de l’Eau au Sénégal ?
Pour rappel, l’eau que la
population Sénégalaise consomme n’est pas gratuite. Nous payons chaque deux
mois, une facture que certains jugent salée. Je vous présente les détails de
notre facturation d’eau par la SDE (Sénégalaise des Eaux). D’abord, l’eau nous
est vendue à 788,67 Frs CFA le m3. En général, une famille moyenne sénégalaise
consomme 40m3 en 60 jours ce qui fait une moyenne de 30 000 frs CFA par
famille. Sur cette somme, l’état y perçoit trois taxes : Une redevance assainissement
reversée à l'Organisation Nationale pour l’Assainissement du Sénégal (ONAS), un TVA pour la surtaxe hydraulique reversée à
l'Etat et enfin une surtaxe municipale reversée à la collectivité Locale. Voilà
combien l’eau que nous achetons nous coûte !
La SDE est liée à l'Etat du
Sénégal par un contrat d'affermage. Après une première période de 10 ans (23
avril 1996 au 22 avril 2006), le contrat d'affermage a été prolongé de 5 ans. L’Etat assure la tutelle du
secteur par l'intermédiaire des ministères de l'Hydraulique. La SONES (Société
Nationale Des Eaux du Sénégal) est chargée de la gestion du patrimoine et du
contrôle de la qualité de l'exploitation et du service et s’est retrouvée en
2012 avec un chiffre d’affaire de 76 milliards de Francs CFA. La SDE quant à
elle est chargée de :
- Exploitation et entretien de l'infrastructure et du matériel
- Renouvellement du matériel d'exploitation
- Renouvellement contractuel des réseaux, des branchements, des compteurs et du matériel électromécanique
- Extension de réseaux financée par des tiers
- Étude et justification des travaux de renouvellement et d'extension de l'infrastructure
- Facturation et encaissement de l'eau potable et de la redevance d'assainissement
- Communication et relations avec la clientèle
La Société Nationale des Eaux du
Sénégal (SONES) quant à elle est responsable de :
- Gestion du Patrimoine ;
- Programmation des investissements ;
- Recherche de financements ;
- Maîtrise d’ouvrage des travaux de renouvellement et d’extension de l’infrastructure ;
- Sensibilisation du public ;
Elle doit par ailleurs s’assurer
du transfert de l’activité exploitation à SDE,
de la négociations avec le fermier et dettes croisées, de la mise en œuvre
des Programmes de contrôle, de la mise en œuvre des audits contractuels, de la
validation annuelle de la grille des indicateurs de performance de
l’exploitation et enfin du suivi des Plans d’actions de la Lettre de Politique
sectorielle.
Avec une telle répartition des missions
et charges, difficile d’identifier un responsable dans cette affaire.
Qui est vraiment responsable ?
Aujourd’hui, l’état se situe au
juste milieu entre deux entités qui se trépignent les chignons en se
renvoyant mutuellement les responsabilités dans cette affaire de panne au
niveau de la centrale à eau de Keur Momar Sarr dans la région de Louga à l’Est
du Pays. La Sénégalaise des eaux (SDE) explique que cette rupture est liée à
une panne survenue à la station de Keur Momar Sarr, une usine située au lac de
Guiers, à 250 km de Dakar.
La distance entre les deux sites : De Keur Momar Sarr dans la région de Louga au Nord à Dakar la pointe Ouest du Pays. |
Le Président de la république
prenant prétexte de la fin de sa mission au sommet des Nations Unies, rentre à
Dakar « en urgence » (comme il l’a laissé entendre dans son
communiqué de presse) oubliant que quand il partait le pays était dans la même
situation. Tenant son conseil des ministres hier, il aurait « déploré la
rupture dans l’approvisionnement en eau dans la région de Dakar… Réitéré, dans
cette épreuve difficile, sa solidarité aux populations et engagé le
Gouvernement à prendre toutes les mesures et dispositions appropriées pour le
rétablissement normal du service public de l’eau potable dans la région de
Dakar, notamment pour les structures sanitaires et les populations des quartiers
et localités de la capitale les plus touchés par la pénurie ». Et comme un
grand acte de solidarité et de soutien à cette population qui ne sait plus où
donner la tête depuis bientôt trois semaines sans eau courante, Macky bien
évidemment « a salué la patience et le sens élevé des responsabilités des
populations ; ce qui, selon lui, révèle, jour après jour, l’ancrage d’une
nouvelle conscience collective et citoyenne dans notre pays ». Sauf que la
solution ne se résume pas à tout simplement tenir un conseil des ministres et
faire une déclaration. Nous exigeons des mesures d’urgence pour faire revenir
la situation à la normale mais aussi des sanctions pour les différents
responsables.
Sans nulle doute et sans rentrer
dans les détails technico-juridique des clauses et contrats, la SDE serait le responsable
dans cette affaire. Devons-nous tirer sur le passer en remontant jusqu’aux
clauses de conception et d’exploitation ? Une chose est certaine, cet
incendie fait preuve d’un grand laxisme des autorités sénégalaises tout comme
il étale au grand jour l’irresponsabilité de la SDE.
La e-mobilisation de la
communauté web Sénégalaise : #SunuNdokh, #EauSecours, #EauSolution et
maintenant #sEaulidarité
Youtube, Facebook et Twitter se
sont encore joints au ras-le-bol des Sénégalais avec cette insupportable
pénurie d’eau. Des jeunes internautes, activistes et blogueurs se sont
mobilisés pour rendre visible la face cachée des calvaires de la population à
la recherche du liquide précieux.
Sur Youtube : Ici Harouna Fall nous livre une vidéo sur la façon de se procurer de l’eau avec l’aide des citernes qui font le tour de la ville.
Le cauchemar de la population par le blogueur Basile Niane :
La vidéo la plus édifiante de cette situation est publiée par le blogueur – activiste @DiopWeb. Il s’est rendu aux Parcelles Assainies, quartier très peuplé et touché par la pénurie. Il nous livre à travers cette vidéo les gestes de survie de la population qui ne sait plus où donner la tête. Regardez !
Sur Twitter : C’est la grande mobilisation. Même ceux qui ne sont pas touchés par la pénurie participent activement en partageant les informations et en continuant à tirer sur la sonnette d’alarme sur le laxisme, le manque de courage politique, le manque de vision prospective des autorités Sénégalaises. Un sit-in des twittos #Kebetu pour la dénonciation s’est vite improvisé à la place de l’indépendance dans l’après-midi du 25 septembre 2013 à l’initiative des blogueurs @Bamariet @seybablogs @nattachaseck @basileniane et @dembagueye.
Sit-In des Twittos et Blogueurs sénégalais à la place de l'indépendance le 25 septembre 2013 |
Après cette première phase de
dénonciation avec le hashtag #SunuNdokh (notre eau), les Sénégalais de Twitter
ont compris qu’il fallait faire plus que de la dénonciation : L’heure
est à la e-mobilisation pour des actions de solidarité. C’est ainsi que le
Hashtag #EauSecours a été lancé sur Twitter pour partager toutes les
informations susceptibles d’intéresser les populations victimes de la pénurie d’eau.
Sur Facebook, la même stratégie
est adoptée avec une grande banque de photos illustrant le désarroi, la grande
fatigue et très souvent la tristesse de la situation avec des images qui de
loin, ne font aucunement la fierté du Sénégal. La Page Facebook EauSecours informe les population et partage l'ensemble des publications des internautes qui utilisent le hashtag.
Aujourd’hui, vendredi 27 septembre, une application web a été lancée sur Facebook par l’agence 3W. L’application #sEaulidaire pour permettre à chaque sénégalais sur Facebook de s’inscrire et de se porter volontaire pour offrir de l’eau. Pour accéder à l’application et s’identifier, il vous suffit tout simplement de vous connecter sur votre compte Facebook et de cliquer sur ce lien https://apps.facebook.com/seaulidaire/. En cas de demande d’aide à un utilisateur ayant de l’eau, ce dernier reçoit une notification Facebook lui indiquant qu’une personne lui demande de l’aide. En cas d’acceptation, cet utilisateur peut donner ses coordonnées pour une mise en relation directe.
Depuis hier Jeudi 26 septembre,
une autre initiative a vu le jour sur le web sénégalais, #EauSolution crée par
le blogueur – activiste @Boombasticplo. Une carte interactive créer pour
permettre à chaque dakarois d’identifier sa zone et sa localité s’il a de l’eau
et qu’il souhaite en distribuer mais aussi pour ceux qui n’en ont pas et qui
souhaite être aidé. Cette carte est accessible ici … : http://goo.gl/bExLMz
Elle permet d’avoir un aperçu
balayé de la situation des zones rouges mais aussi de savoir à quel niveau vous
pouvez vous ravitailler avec bien entendu le soutien de la population qui accepte
d’ouvrir leurs portes et accueillir les voisins et riverains pour leur
permettre de faire le plein des bassines, bouteilles ou autres récipients.
Dans la foulée et suivant cet
élan spontané de solidarité des internautes sénégalaise, l’association web
humanitaire SUNUCAUSE avait annoncé le lancement d’une WebRadio online à partir
de ce vendredi. Cette radio qui diffusera entièrement sur internet permettra de
communiquer sur l’état des lieux de la situation ainsi que sur les zones à
risque et les zones qui ont de l’eau.
Élan de solidarité, Oui !
Mais qui m’aidera à payer ma facture ?
Cette question est certes banale
mais elle taraude l’esprit de beaucoup de dakarois qui voudraient bien aider
les autres victimes de la pénurie mais comment la SDE compte accompagner cet
élan de solidarité ? Comment s’organiser ? Qui prendra en charge les
frais de consommation à la fin du mois ? Pour en savoir plus, j’ai pris
mon téléphone et j’ai appelé directement la direction de la SDE.
Première réaction : « Nous
saluons vraiment cette initiative citoyenne de vouloir aider la population
victime de la pénurie. Nous faisons certes des efforts en relation avec les
forces armées pour sillonner avec des citernes l’ensemble des quartiers sans
eaux. Cela n’est pas suffisant et tout soutien de la population est à saluer »,
me dit mon interlocuteur.
Comment recevoir les citernes
dans notre quartier ? : « C’est simple, chaque dakarois peut
nous joindre 24/24 sur notre serveur numéro vert mis gratuitement à la
disposition de tout client SDE. En appelant au 800 00 11 11 la personne peut
indiquer son adresse et son quartier. Nous nous chargerons de lui faire
parvenir avec notre réseau de volontaire et l’appui de la sécurité un citerne
pour le quartier ».
La population n’a pas forcément
le choix, certains vont boire l’eau en provenance de ces citernes, mais
est-elle potable ? : « Ah oui ! Bien sûr Monsieur ! Je
vous confirme qu’elle est 100% buvable et potable. Nous avons nos experts et
techniciens de labo ici et ils s’assurent que l’eau distribuée à la population
soit potable », me rassure toujours mon interlocuteur.
Nous voulons donner gratuitement
de l’eau à nos voisins et proches mais est ce que nous paierons gratuitement
cette eau auprès de la SDE ? : « Bien entendu cette question est
très importante et nous en sommes conscient ici en interne. En effet, nous
envisageons des mesures d’accompagnement pour motiver davantage les généreux
qui voudront bien participer à cet élan de solidarité le temps que la situation
se stabilise. Nous avons déjà commencé à faire descendre dans les quartiers des
équipes techniques. Si aujourd’hui, vous souhaitez ouvrir votre robinet pour
les populations, vous pouvez nous en informer en appelant au 33 839 37 37. Une
équipe mobile sera envoyée chez vous pour relever votre niveau de consommation
et s’il le faut même bloquer votre compteur pour qu’il arrête de marquer. C’est
une façon d’encourager la population à aider les autres ».
Cinq minutes après, je reçois un
autre coup de fil : « Monsieur Fall, excusez-moi. Je viens d’échanger
avec la Direction, il se trouve que certaines populations utilisent cette
technique pour frauder et vendre de l’eau à la population. C’est hélas ce que
je viens d’apprendre et cela nous pousse à réfléchir encore sur comment accompagner
cet élan de solidarité national car en situation d’urgence, des mesures d’urgence
doivent être appliquées. Avec la mesure du possible, nous interviendrons
au cas par cas pour éviter les fraudes. Si entre temps une quelconque décision
est prise en interne, je vous en tiendrai informé. Ce dont je suis certain, c’est
que nous sommes tous solidaires derrière notre directeur général qui se bat
comme il faut pour trouver le plus rapidement possible, une solution à cet
incident. »
Pour info :
Durant les interventions
techniques sur le tuyau du site de Keur Momar Sarr, un incident est intervenu
hier soir faisant 7 blessés chez les techniciens de la SDE.
D’après un état des lieux et la
mesure de la situation, la pénurie d’eau pourrait durer encore pour une
quarantaine de jours.
Pour finir, la gratuité de l'eau
pour le bimestre Septembre-Octobre serait la seule option, en attendant une
solution de l’incident à Keur Momar Sarr, pour pallier ce manque d’eau chez les
populations et permettrait d'encourager la solidarité agissante au sein de la
population.
D'après le Ministre Porte Parole du Gouvernement il nous faut 6500 citernes de 20m3 qui font 66 rotations par jour. Oui, c'est ce qu'il faut pour combler la pénurie d'eau à Dakar. Je ne sais pas s'il faut en rire ou en pleurer. Mais sénégalaisement, nous allons essayer de réagir avec ironie.
Cyph'
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